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La France en flammes, Macron dehors !

mercredi 26 avril 2023

Miguel Lamas, dirigeant de l’UIT-QI.

Revue Correspondance Internationale N° 52. 19/4/2023

L’approbation par décret par le Président Macron de la réforme des retraites le 16 mars, augmentant l’âge, les années et les cotisations pour la retraite, a stimulé la rébellion ouvrière et populaire. Les protestations durent depuis près de trois mois, avec des manifestations rassemblant des millions de personnes dans tout le pays et des journées de grève. La décision du Conseil constitutionnel de valider le texte principal de la réforme et la promulgation de la loi par Macron à 3 h 28 du matin le 15 avril ont jeté de l’huile sur le feu de la crise politique et sociale dans le pays.

Comme l’a dit un manifestant, « il ne s’agit plus seulement des retraites, il s’agit de tout ! ». Les cris de « Macron dehors ! » et les strophes de l’hymne La Marseillaise, associée pour les Français aux révolutions et à la rébellion populaire, ont envahi les rues.

Le décret d’Emmanuel Macron, fondé sur l’article 49.3 de la Constitution, a permis à la loi d’aller de l’avant sans approbation législative.

Cette approbation par décret est explicitement antidémocratique, puisqu’une très large majorité de Français, 70 % selon les sondages, s’y oppose.

Outre les millions de manifestants, hommes et femmes, de tous âges, jeunes et même retraités, l’Agence France 24 note qu’« une large majorité de Français a également exprimé son soutien aux grèves bien qu’elles aient perturbé les cours, les transports en commun, avions et trains, et le ramassage des ordures ».

Au lieu de favoriser la résignation, l’approbation du controversé article 49.3 de la Constitution a accentué l’indignation. Au rejet de la réforme s’est ajoutée une protestation plus générale contre Macron et le système présidentiel de la Vᵉ République, ainsi qu’une dénonciation des violences policières à l’encontre des manifestants.

Dans cette nouvelle étape du processus, l’un des faits les plus pertinents est l’entrée massive du mouvement étudiant et de la jeunesse.

La défaite de Macron à l’Assemblée nationale (Parlement) s’explique aussi par cette forte pression populaire, qui a fait que même les députés d’extrême droite, menés par Marine Le Pen, ont dû s’opposer à la réforme. Même si nombre de ces mêmes députés ont agi en complicité, lorsque quelques jours plus tard, ils n’ont pas voté en faveur de la « censure » de Macron ce qui aurait provoqué sa chute et l’annulation du décret.

La rébellion ouvrière et populaire en est, à l’heure où nous écrivons ces lignes, déjà à sa onzième marche de masse avec des millions de personnes dans des dizaines de villes et de nombreuses grèves dans différents secteurs tels que les transports, les éboueurs, l’éducation, les ports, l’électricité, etc. Après l’approbation par décret de Macron, les mobilisations ont fait un bond, elles sont entrées dans une nouvelle phase, exigeant dans les rues que Macron s’en aille, et ont également commencé les confrontations avec la répression policière.

Selon les rapports de police, rien que le jeudi 23 mars dernier, une semaine après l’abrogation du décret, les manifestations de masse ont entrainé 457 arrestations et 441 blessés parmi les policiers et les gendarmes.

De nombreux médias comparent déjà ce qui se passe à Mai 68, la grande rébellion des travailleurs et des étudiants français après la Seconde Guerre mondiale.

« Nous voulons la tête de Macron !

C’est ce qu’ont crié de nombreux manifestants dans les rues, en s’inspirant de La Marseillaise, en comparant ce qui s’est passé avec le roi décapité, Louis XVI, en 1793.

Selon l’une des chroniques : « Nous avons vu tout le monde descendre dans la rue. Dès le début, il semble qu’il ne s’agisse pas d’une grève au sens syndical français habituel. Des étudiants, des collectifs féministes, des travailleurs de tous les secteurs imaginables, des agents de nettoyage, des pompiers, des infirmières, des livreurs, des sans-papiers, des familles avec leurs enfants, des gros blocs dans les cortèges de femmes kurdes immigrées avec des danses et de la musique, avec des chants de guérilla, des personnes de tous âges, des Grecs dont on n’imaginait pas qu’il y en avait autant à Paris, tous les syndicats avec leurs couleurs et leurs voitures qui venaient en tête des cortèges… » (desinformémonos.org).

Depuis de nombreuses années, les gouvernements capitalistes français tentent de liquider l’acquis très important du système de retraite français, établi sur la base du système par répartition, payé avec les cotisations des travailleurs ainsi que des patrons. En 1995, il y a eu une tentative et elle a été mise en échec par une autre mobilisation gigantesque.

En 2019, lors de son premier mandat, la première tentative de Macron de modifier le système de retraite a également été rejetée par des manifestations massives. Celles-ci comprenaient une énorme grève des chemins de fer, la plus importante de l’histoire de la France.

La réforme actuelle qu’ils tentent d’introduire n’est pas seulement une augmentation de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, mais également une augmentation du nombre d’années de cotisation à 43 ans. Ainsi que la fin des retraites à 60 ans, qui favorisait les travailleurs de la santé.

Macron est plus faible qu’en 2019, le capitalisme est plus en crise et ils demandent à Macron de prendre des mesures pour augmenter ou récupérer ses profits. C’est pourquoi il a approuvé la réforme des retraites et n’a même pas rencontré les directions syndicales pour discuter au sujet de quelques modifications mineures.

La loi sur les retraites en fait partie, mais il y a aussi les salaires, le droit du travail, la cherté de la vie tout d’abord, les carburants, l’électricité et le gaz (raison de la révolte des « gilets jaunes » en 2018), de même que la destruction écologique. D’où le mécontentement de millions de personnes.

Le correspondant du quotidien espagnol El País à Paris note : « les adolescents et les étudiants universitaires ont maintenant rejoint les manifestations en masse, venant manifester pour la retraite lointaine, mais également pour une aspiration plus abstraite et simultanément puissante : un meilleur avenir ». C’est-à-dire, autant des pensions pour leurs vieux jours, que des emplois et des salaires décents pour leur jeunesse.

Le rôle des directions réformistes

Le 17 avril, Macron a transmis un message à la télévision à l’heure du dîner, prétendant calmer les esprits et promettant des lois et un « pacte de vie professionnelle ». Personne ne l’a cru. La réponse a été la mise en scène de près de 300 casseroles spontanées dans tout le pays. Le slogan le plus scandé était « Macron démission ».

Macron ne fait qu’exacerber la crise politique et sociale en France. Dans cette situation de grande confrontation sociale et avec 70 % du peuple qui rejette Macron, la question est : pourquoi la réforme et Macron lui-même ne tombent-ils pas ?

Tout simplement parce que les directions politiques et syndicales réformistes n’ont pas une telle politique. Voyons comment elles agissent et ce qu’elles proposent. Alors que des milliers de personnes criaient au son de 300 casseroles pour répudier le discours de Macron le 17 avril et réclamer son départ, l’Intersyndicale, qui regroupe neuf centrales, n’appelait à « une grande mobilisation » que le 1ᵉʳ mai. Près de 15 jours plus tard, sans appeler ni préparer une grève générale pour paralyser la France afin d’annuler la réforme et se débarrasser de Macron.

Le mot d’ordre « Macron démission » n’a été lancé ni par les centrales syndicales, ni par l’opposition de gauche réformiste, à commencer par la figure la plus reconnue de Jean-Luc Mélenchon, dirigeant de l’organisation France Insoumise.

Tous ont fait des déclarations sévères contre Macron, mais jusqu’à présent aucun d’entre eux n’a proposé son départ, ni appelé à une grève générale et à un plan de lutte jusqu’à la disparition de la réforme des retraites et de Macron. Cette gauche réformiste pèse également sur les directions syndicales de l’Intersyndicale.

Le centre de la politique de la gauche parlementaire est d’éviter la chute du gouvernement de Macron par une mobilisation révolutionnaire. Ils cherchent à utiliser l’usure politique de Macron pour gagner de l’espace pour les futures élections. C’est pourquoi leur pièce maîtresse a été de présenter un projet parlementaire visant à promouvoir un référendum populaire, le RIP (acronyme français pour Référendum d’Initiative Partagée). En d’autres termes, il s’agit de détourner la mobilisation de masse vers la recherche des quelque 5 millions de signatures nécessaires. Même si le Conseil constitutionnel l’aurait déjà rejeté.

La gauche réformiste est regroupée au sein de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) composée de la France Insoumise et des partis Communiste, Socialiste et Europe Écologie et les Verts (1).

Dans cette situation, même l’extrême droite de Marine Le Pen fait concurrence à la gauche réformiste avec son discours agressif contre Macron.

Préparer une grève générale et un plan de lutte pour « Dehors Macron et la réforme ».

Les centrales syndicales françaises, réunies au sein de l’Intersyndicale (2), ont appelé à dix gigantesques marches nationales dans des dizaines de villes. Des grèves partielles sont prévues dans différents secteurs. Elles n’appellent qu’à des marches de rue massives grâce à la poussée de la base, mais elles sont insuffisantes pour vaincre Macron.

L’Intersyndicale ne prépare toujours pas et ne lance pas une grève générale unie qui paralyserait la France et un plan de lutte commun discuté avec la base dans les assemblées.

L’Intersyndicale est dirigée par des directions conciliantes historiquement influencées par les différentes ailes de la social-démocratie, le PC, des secteurs liés à l’Église, d’anciens membres du PC, des écologistes, etc. Il s’agit de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), dirigée par Laurent Berger, issu d’un courant chrétien, et de la Confédération générale du travail (CGT), historiquement influencée par le PC, bien qu’en perte d’hégémonie. Jusqu’en mars, et pendant huit ans, elle a été dirigée par Philippe Martinez, secrétaire général de la CFDT et ancien militant du PC. Il a été remplacé par Sophie Binet, indépendante de gauche et écologiste.

Le 4 avril, après que la réforme des retraites ait été approuvée par décret, et malgré la déclaration ultérieure du gouvernement selon laquelle « la discussion est terminée, la réforme a été approuvée », les dirigeants de l’Intersyndicale ont rencontré le Premier ministre Elisabeth Borne. Ils ont quitté la réunion en la qualifiant d’« échec » mais en insistant sur la nécessité de négocier pour « ajourner » la réforme. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, est allé jusqu’à dire que « il n’y a sans doute pas d’issue et peut être cette loi sera finalement promulguée et appliquée » (Clarín, Argentine, 16/4/2023).

La rue ne croit plus aux négociations et la revendication est désormais : « Dehors Macron ! » La base submerge les dirigeants avec des blocages, des grèves, dont beaucoup sont décidées par la base et des affrontements avec la police.

L’approfondissement de la lutte soulève la nécessité de discuter de la perspective d’un gouvernement des travailleurs à partir des organisations de base.

Une grève générale et un plan de lutte national pour vaincre le gouvernement et imposer un plan économique des travailleurs sont de plus en plus nécessaires. Non seulement exiger l’annulation de la réforme des retraites, mais encore des revendications de fond, comme le proposent certains secteurs de la gauche et de la base, telles que la nationalisation et le contrôle par les travailleurs de l’ensemble du système énergétique et des banques, les deux grands secteurs capitalistes qui profitent de la crise ou qui spéculent avec elle.

Dénonçant la politique de conciliation de l’Intersyndicale avec le gouvernement, a été créé le « Réseau pour la grève générale » avec 250 militants et dirigeants de la base de différents syndicats et de la jeunesse, appelant à un « coup final » à la réforme des retraites. La formation de ce réseau est un grand pas en avant dans la lutte pour une nouvelle direction politique et syndicale de la classe ouvrière et de la jeunesse françaises.

Vive la lutte des travailleurs, des ouvriers et de la jeunesse de France ! L’UIT-QI lui apporte tout son soutien et appelle à un soutien international.

(1) Le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) a fait scission lors de son congrès de décembre 2002, car la tendance dirigée par le courant mandeliste (ex-LCR) avec les figures publiques du parti (Philippe Poutou et Olivier Besancenot), a décidé de s’orienter vers une alliance avec la France Insoumise et NUPES.

(2) L’Intersyndicale est composée par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération générale du travail (CGT), Sud Solidaires, de Force ouvrière (FO), la Fédération syndicale unitaire (FSU), l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

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